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Disparition de Pierre Nora, 2 juin 2025

Pierre Nora dans le Cercle littéraire de la BnF (2011).
Pierre Nora dans le Cercle littéraire de la BnF (2011).

 

L’historien, éditeur et académicien Pierre Nora est décédé à Paris le 2 juin 2025.

Saint-Germain-des-Prés était son jardin. Demeurant au coin de la place de Furstenberg, Pierre Nora n’avait qu’une centaine de pas à faire pour se rendre quai Conti, à l’Académie française, dont il était membre, ou rue Gaston-Gallimard, siège de la prestigieuse maison d’édition où il dirigeait les collections dans le domaine des sciences humaines […]. Son nom restera surtout attaché à l’une des productions historiographiques les plus innovantes des quarante dernières années : Les Lieux de mémoire, entreprise gigantesque de sept volumes, publiés entre 1984 et 1993. Grand maître d’œuvre, il mobilisa 130 historiens […], pour décrypter notamment les symboles de la République1.

Portrait du jeune Pierre Nora en couverture de son autobiographie. BnF, PHS, 2022-198411.
Portrait du jeune Pierre Nora en couverture de son autobiographie. BnF, PHS, 2022-198411.

Reçu à l’agrégation d’histoire en 1958, il est professeur au lycée Lamoricière (aujourd’hui Pasteur) d’Oran jusqu’en 1960. Pensionnaire de la Fondation Thiers, institution destinée à accueillir de jeunes chercheurs considérés comme prometteurs,  de 1961 à 1963, il devient assistant puis maître-assistant à l’Institut d’études politiques de Paris, de 1965 à 1977, avant d’être élu directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) en 1977.

Pierre Nora mène parallèlement une carrière dans l’édition avec la création de plusieurs collections qui deviendront incontournables dans le domaine des sciences humaines. Tout d’abord, la Collection Archives chez Julliard en 1964, puis il rejoint les éditions Gallimard en 1965, où il est à l’origine de plusieurs collections importantes. La Bibliothèque des sciences humaines en 1965, la Collection Témoins en 1966, la Bibliothèque des histoires en 1971.Les auteurs qu’il publie dans ces différentes collections sont considérés comme des références dans  leurs disciplines. En 1980, il fonde, toujours chez Gallimard, la revue Le Débat, avec le philosophe Marcel Gauchet, qui devient l’une des revues intellectuelles majeures, jusqu’à sa disparition en 2020.

Parmi les nombreuses fonction administratives qu’il exerça, on peut citer signaler qu’il fut membre du Conseil d’administration de la Bibliothèque nationale de France de 1997 à 2000, membre du Conseil scientifique de l’École nationale des chartes depuis 1991, membre du Conseil d’administration de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles depuis 1995 et du Haut comité des célébrations nationales depuis 1998.

Pierre Nora est élu à l’Académie française le 7 juin 2001.

On lit dans le communiqué de presse du Ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche:

Figure majeure des sciences humaines françaises, Pierre Nora a consacré sa vie à éclairer les rapports complexes entre mémoire et histoire, entre identité nationale et conscience collective. Son œuvre, d’une exigence intellectuelle exceptionnelle, a profondément renouvelé les approches historiographiques, en France comme à l’international2.

Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) rappelle dans son hommage publié le 4 juin 2025 :

L’œuvre de Pierre Nora constitue une boussole pour tous ceux qui, en France et ailleurs, œuvrent à transmettre la vérité historique et à préserver la mémoire des tragédies du XXe siècle, notamment celle de la Shoah3

Le journal 20 Minutes note encore :

Intellectuel issu d’une famille de la grande bourgeoisie juive parisienne, né le 17 novembre 1931, Pierre Nora a été l’un des grands noms de l’édition, chez Gallimard, où il a créé et dirigé plusieurs collections de référence en histoire et sciences humaines4 .  

Et de citer les propres mots de Pierre Nora au sujet de l’ouvrage qui l’a fait connaître, Les lieux de mémoire :

J’ai voulu étudier la mémoire nationale et, plutôt que de faire des généralités, il m’a paru plus excitant d’étudier les lieux (emblèmes, symboles, musées, archives, institutions, etc.) où elle s’est condensée et exprimée5.

En somme, résume l’article :

Pierre Nora a fait surgir « un nouvel objet d’histoire », a résumé l’historien René Rémond, à propos de cette somme qui traite du Panthéon, du Tour de France, du Code civil, de l’encyclopédie Larousse, des funérailles de Victor Hugo, de la forêt ou encore de la vigne6.

Couverture du vol. 1 des Lieux de Mémoire (La République). BnF, PHS, 2019-118515.
Couverture du vol. 1 des Lieux de Mémoire (La République). BnF, PHS, 2019-118515.

Dans son article pour le journal Le Point, l’historien Laurent Theis écrit :

Au printemps de 1961 paraissait chez Julliard un livre de 256 pages. Sur la page de couverture de l’édition originale, pas de nom d’auteur. Il faudra attendre cinquante ans pour que Pierre Nora, l’année de son quatre-vingtième anniversaire, publie un deuxième ouvrage personnel sous son seul nom, cette fois bien visible sur la couverture blanche de la NRF, et adorné, en italique, de la mention qui signe un accomplissement littéraire, de l’Académie française.

De Les Français d’Algérie à Historien public s’était écoulé un demi-siècle prodigieux dans la vie intellectuelle de notre pays, dont Pierre Nora, décédé ce lundi 2 juin à 93 ans, fut l’un des acteurs les plus entreprenants et, de proche en proche, les plus en vue. 

Pour le dire un peu trivialement, c’était alors toute une époque, désormais éteinte depuis deux décennies, et dont la disparition de Pierre Nora sonne le glas : « C’était le beau temps des sciences humaines, écrivait-il en 1998. On s’y amusait ferme. C’était le temps où l’on entrait dans l’édition comme dans un moulin, où l’on côtoyait davantage de cinglés inspirés et moins de bons jeunes gens à attachés-cases, où dans les foires du livre on faisait vraiment la foire, et pas des kilomètres à pied. »7.

Pierre Nora dans les collections de la Bibliothèque nationale de France

Sa notice de personne dans le catalogue général permet d’accéder aux œuvres dont il est auteur, éditeur intellectuel, directeur, préfacier, sujet.

Il s’agit majoritairement d’ouvrages imprimés, mais on trouve aussi des images animées , par exemple, une cassette vidéo de l’émission de télévision Bouillon de culture du 29 juin 1991 ou un fichier numérique vidéo d’une conférence donnée à la BnF,  Le cercle littéraire de la BNF [Images animées] : [conférence du 19 décembre 2011] , des enregistrements sonores, par exemple des disques compacts de la journée du 4 juin 1998 à la BnF, Bibliothèques virtuelles [Enregistrement sonore] : un état des lieux : version française. Journée du 4 juin 1998 , des périodiques, des documents électroniques et un document multimédia multisupport, le tome IV du Journal du septennat : 1947-1954 (Armand Colin, 1970) du président Vincent Auriol, Journal du septennat [Multimédia multisupport] : 1947-1954. Tome IV, Année 1950

Parmi ses ouvrages les plus importants, outre ceux déjà mentionnés, on peut citer (liste non exhaustive) :

Archives et construction d’une histoire nationale : le cas français (1976), un numéro de la revue Le Débat, Bibliothèque nationale de France : expériences vécues (Gallimard, 1999), De quoi l’avenir intellectuel sera-t-il fait ? : enquêtes 1980, 2010 (Gallimard, 2010), Esquisse d’ego-histoire ; suivi de L’historien, le pouvoir et le passé (Gallimard, 2013), Une étrange obstination (Gallimard, 2022), les trois volumes de la série Faire de l’histoire…, codirigés avec Jacques Le Goff (Gallimard, 1974),Jeunesse (Gallimard, 2021),  Liberté pour l’histoire, avec Françoise Chandernagor (CNRS, 2008),Mémoires coloniales avec Benjamin Stora et Alexis Lacroix (Bayard, 2021), Présent, nation, mémoire (Gallimard, 2011), Recherches de la France (Gallimard, 2013),

On peut retrouver un certain nombre de ses articles, chapitres d’ouvrages et comptes-rendus de ses ouvrages sur les portails CAIRN, Persée et JSTOR, une partie étant librement consultable à distance.

La plate-forme OpenEdition permet également d’accéder à des articles, chapitres de livres, billets de carnets de recherche, dont il est auteur ou sujet. Certains sont en accès ouvert.

Une sélection de ses ouvrages est actuellement présentée dans les salles J et L du site Tolbiac / François Mitterrand.

Pour aller plus loin :

À écouter :

  1. Antoine Flandrin, « L’historien Pierre Nora est mort »  Le Monde [en ligne], 02/06/25 []
  2. Le Ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche rend hommage à Pierre Nora, 3 juin 2025 [en ligne] []
  3. Disparition de Pierre Nora, membre de l’Académie française : le CRIF rend hommage à l’historien de la mémoire française, 4 juin 2025 [en ligne] []
  4. « Pierre Nora, historien et académicien, est mort à 93 ans », 20 Minutes avec AFP [en ligne], 3 juin 2025 []
  5. Ibid. []
  6. Ibid. []
  7. Laurent Theis, « L’historien et académicien Pierre Nora est mort », Le Point [en ligne], 2 juin 2025 []

Marianne Arnold

Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme

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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marianne Arnold (6 juin 2025). Disparition de Pierre Nora, 2 juin 2025. L'Histoire à la BnF. Consulté le 15 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/142ps


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